En commentaire à mon billet « Le bateau que manqueront les éditeurs » portant sur les livres numériques interactifs, Liceal, du blogue « sous un pissenlit » a eu la gentillesse de partager une bande-annonce pour un livre interactif de Harper Collins. Les voilà, les livres interactifs sont à nos portes!
Cette bande-annonce a déclenché chez moi une réflexion, entamé depuis un commentaire entendu lors de ma présentation au Bookcamp, soit : « dès qu’il y a de l’interactivité, c’est un jeu, pas un livre ». Il est évident que le livre peut se permettre un peu d’interactivité tout en restant fidèle à sa nature, comme il est évident que trop d’interactivité transforme le tout en jeux. Mais la frontière entre les deux, quelle est-elle?
J’ai d’abord considéré la possibilité que la narration orale rendait nulle l’appellation de « livre », pour réaliser que les livres-audios et les livres-disques (trente-trois tours, longues durée, tirés du filme de Walt Disney) incluaient la narration complète du texte sans pour autant perdre leur appellation livresque. L’abus de dialogue m’a porté du côté des pièces de théâtre et du scénario, mais sans résoudre mon problème actuel.
J’ai ensuite cherché du côté des proportions entre la narration et l’interactivité. Du genre : « Au delà de 30% d’interactivité, ce n’est plus un livre », mais encore là, la définition porte à confusion et passe à côté de l’essentiel. Essentiel qui a fini par me frapper! Je déclare donc :
Dans un livre interactif, l’interactivité doit être au service de l’histoire textuelle.
Voilà ce qui, pour moi du moins, fait toute la différence entre un livre et un jeu (J’ai rajouté le « textuel » à la fin pour ne pas qu’on entre dans le domaine du film).
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en jeu vidéo, l’histoire n’est qu’un prétexte à l’interactivité, que l’on préfère habituellement appeler « Gameplay ». Je vous garantis qu’une mission dans un jeu d’espionnage commence par un décision de : « il faudrait maintenant une mission où le joueur ne peut pas se servir de ses armes » pour ensuite se développer en « OK, on va dire qu’il y a une fuite de gaz dans la base et que la moindre étincelle fait tout flamber ». Et non pas l’inverse.
Toujours pas convaincu que les histoires en jeux vidéo ne sont que des « scénarios prétextes à scènes de combat/course/tir/zombies? Croyez-vous vraiment que le Mario Bros de Myamoto a commencé par un épique récit de plombier sauvant une princesse des griffes d’un dinosaure? Eh non! À preuve, changez Mario en lapin, et la princesse en carotte, et vous obtenez exactement le même jeu. Faites le même exercice pour « le vieil homme et la mer », et vous obtenez une tout autre œuvre!
Vous rencontrerez possiblement des jeux vidéo ou des livres interactifs qui ne suivront pas le principe de ma définition. Dans ce cas, ce ne sera pas ma définition qui est invalide, mais bien ces œuvres qui ont été mal étiquetées, ou encore les créateurs qui n’auront pas fait correctement leur travail! Du moins, c’est ce que je dirai!
Il manque certainement quelques précisions, mais, comme créateur de ces deux types d’œuvres, c’est par celle-ci que je trancherai entre mon désir de pondre un jeu à caractère narratif ou un livre à caractère ludique. Comme disent les matantes, c’est l’intention qui compte.