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Distribution numérique, quand on se compare…

Circuit-Man-Head illustration de GDJ sur openclipart.orgQuand le numérique est arrivé, on a cru qu’un âge d’or du divertissement arriverait avec lui. Les biens deviendraient facilement disponibles pour le consommateur, et le raccourcissement de la chaîne de distribution permettrait aux créateurs de vivre plus facilement de leur art.

Fast Forward jusqu’à aujourd’hui, et quand est-il de ce rêve numérique? Certaines choses avancent, d’autre reculent… pas les mêmes selon les industries! Petite vue d’ensemble du haut de mes connaissances limitées :

Films et séries télévisées
On parle beaucoup de Netflix, mais quand on s’y abonne, on déchante un peu! Le catalogue est loin d’être exhaustif! Vous voulez écouter les Dr Who? Il faut s’abonner à Crave TV. Pour Game of Throne, gardez le câble et prenez l’option HBO en extra. Nostalfie de revoir Labyrinthe? Aussi bien aller faire un tour au Club Vidéo, s’il en existe encore un près de chez vous. Et je ne parle pas de Disney qui a tout retiré de partout pour offrir leur propre service. On finit par devoir multiplier les abonnements pour avoir une offre intéressante. Le nouveau modèle n’en a rien à foutre, du consommateur.

Musique
Ici, le consommateur est bien desservi! Avec le streaming, il peut écouter ce qu’il veut, quand il veut, à peu près gratuitement! Le problème? Les revenus des créateurs ont fondu comme neige au soleil! Plus personne n’achète des CD et ils ne reçoivent que des pinottes de la part des services tels Spotify. Parfois, quand je trouve mon métier difficile, je me dis : « ça pourrait être pire, je pourrais faire de la musique ». Le nouveau modèle a complètement laissé tomber les artistes.

 Livres
Alors, finalement, les livres, c’est pas si mal! Les nouveautés sortent sur toutes les plates-formes en même temps et les créateurs, s’ils ont un bon contrat, perçoivent exactement les mêmes droits d’auteurs (en absolu, pas en pourcentage) sur la vente numérique que sur la vente papier, même si le prix est moindre pour le consommateur! Chacun y trouve à peu près son compte, on serait presque porté à dire que notre industrie est un modèle… et pourtant, la progression du numérique s’est arrêtée!

Bref, le rêve est loin d’être atteint, et les cahots sont nombreux! De nouveaux modèles émergeront-ils? Réussira-t-on à trouver un nouvel équilibre? Et surtout, laquelle des trois industries y arrivera avec le moins de dommages? Une chose est certaine, la révolution est loin d’être terminée!

Quand le modèle penche      

bookstack par J_Alves sur openclipart.orgCette semaine, Sébastien Provencher (mon conjoint!),  blogueur pour le Journal de Montréal, a parlé de ce qu’il appelle le « Malaise Spotify ». Spotify est un de ces services radio qui permet aux auditeurs d’écouter tout ce qu’ils veulent, quand ils veulent pour un prix d’abonnement plus qu’avantageux. Full Discloser : je suis moi-même abonnée à un de ces services, Deezer, que j’aime profondément comme consommateur.

Le problème, c’est que ces services, aussi merveilleux soit-il pour les consommateurs, paient très peu les créateurs. On parle de 10 sous à chaque fois qu’une chanson est jouée 1000 fois! Bien en dessous de ce que les créateurs reçoivent pour une vente d’album, ou même une vente de chanson numérique.

Le numérique promettait de réduire les intermédiaires pour favoriser les deux maillons indispensables de la chaîne : les créateurs et les consommateurs. Avec ces services d’abonnement, le modèle ne penche que d’un côté.

Pourquoi je vous parle de tout ça sur un blogue de littérature jeunesse? C’est que ce genre de service existe également pour les livres (Kindle Unlimited, Oyster, Scribd) et que leur popularité ne fait que commencer.

S’il est possible de savoir combien les auteurs autopubliés sont payés pour ces services, il est plus difficile de trouver des chiffres pour les auteurs dont les éditeurs acceptent de rendre leur catalogue accessible via ces services. La bonne nouvelle est que les conditions semblent, à première vue, bien meilleures que pour l’industrie de la musique. Par contre, la vigilance sera de mise, tant pour les auteurs qui verront bientôt ces causes apparaître dans leurs contrats que pour les consommateurs qui sont tentés mais ne désirent pas voir leurs auteurs favoris arrêter leur métier.

Parce que cette semaine, un de mes groupes préférés a décidé de prendre une pause. J’ai écouté leur dernier album sur Deezer plutôt que de l’acheter, et je me dis que leur pause est peut-être un petit peu de ma faute.

Je pète ma coche contre l’absence de livres québécois sur le Kindle

J’ai un Kindle depuis quelque mois, et je n’ai jamais acheté autant de livres! Le processus est facile, instantané, et je n’ai même pas besoins de sortir ma carte de crédit, ce qui me donne l’impression (fausse, je sais) que ça ne coûte rien! Sans blague, je crois avoir acheté plus de livres neufs dans les deux derniers mois que dans la dernière année!

Combien de livres québécois, ou même francophone dans tout ça? ZÉRO!

Pourquoi? PARCE QU’ILS NE SONT PAS LÀ!!!

Tout le monde se vante de leur passage au numérique! Youpi, youpi, nos livres sont disponibles en numérique, de dire les Éditions X, Y, et Z (à ne pas confondre avec les Éditions XYZ). Pourtant, j’ouvre mon Kindle, effectue une recherche dans le « kindle store » et NE TROUVE RIEN!

Je sais bien, je pourrais me lever de mon fauteuil, aller à mon ordinateur, le commander sur un des autres magasins, envoyer le tout par courriel à mon kindle, et lire. Je le pourrais… et pourtant, je ne le fais pas. C’est beaucoup plus facile de lire autre chose, un gros succès américain qui, lui, est à ma portée. C’est la simple loi du moindre effort. Vous me trouvez paresseuse? Je m’en fous, ce n’est pas le point de ce billet.

Le grand rêve du numérique était que, avec la disparition du concept « d’espace-tablette », les livres puissent être disponibles facilement et en tout temps. Si votre livre n’est que sur la hutte, ou sur le site de Archambault, c’est comme s’il n’était qu’à la petite librairie indépendante du coin, et pas chez Renaud-Bray. Alors pourquoi les livres québécois n’y sont pas?

C’est peut-être interdit? me suis-je dit. Pourtant, les livres de Marie Potvin, eux, y sont!

C’est peut-être compliqué, ou onéreux? Me suis-je ensuite dit. Mais selon le site ehow, l’opération est, je cite : « moderately easy », et tout à fait gratuite puisque le modèle d’affaire de Amazon est de se prendre un pourcentage sur les ventes, comme n’importe quelle librairie.

Alors POURQUOI, POURQUOI, est-ce que les auteurs québécois ne sont pas disponibles sur Kindle? Michel Tremblay? Niet! Annie Groovie? Non plus! Dany Laferrière? Uniquement en anglais?!

Je suis toute prête à accepter l’idée qu’il existe une excellente raison pour ces absences… une raison que, dans mon ignorance, je ne réussis pas à voir pour le moment. Si c’est le cas, éclairez mes lanternes, parce que, en attendant, je pète ma coche!

Le seul chaînon à ne rien craindre du passage au numérique…

… est celui des auteurs!

La semaine dernière, Martin Lessard, blogueur de Triplex, me citait dans un article sur Pottermore. En retour de balle, voilà que son billet m’en a inspiré un autre! Il parle dans son article du fait que les éditeurs et les libraires devront, pour survivre à cette nouvelle ère numérique, justifier leur présence en mettant l’accent sur la plus-value qu’ils apportent (conseil et marketing pour le premier, recommandations personnalisées pour le second).

Depuis le début de l’apparition du numérique, presque tous les maillons de la chaîne littéraire sont remis en question. Les distributeurs deviennent obsolètes, les libraires s’inquiètent, et voilà que de gros auteurs se passent d’éditeur, alors que des débutants font fortune avec l’auto-publication. Tous les maillons… sauf un : l’auteur!

Personne ne remet en question la présence de l’auteur dans la chaîne, que celle-ci soit numérique ou traditionnelle. Pourquoi? Parce que, comme le disait avec verve et humour Margaret Atwood lors d’une présentation à la conférence TOC 2001 (Tools of Change for Publishing), les auteurs sont une « source primaire » de laquelle se nourrissent les autres maillons.

Évidemment, ça ne veut pas dire que les auteurs doivent se désintéresser du débat! Tant qu’il y aura des lecteurs, la survie du métier d’auteur est assurée… mais la grosseur de leur part de tarte, elle, peut grandement varier.

Pottermore et le Saint-Graal de la lecture sociale

Depuis quelques jours, un site, www.pottermore.com était apparu sur la toile. Tout le monde s’est bien excité le poil des fesses à se demander si ce ne serait pas l’annonce de nouveaux livres de Harry Potter. Ce ne l’était pas, il s’agit plutôt d’un nouveau site tournant autour de l’univers de Harry Potter, un lieu d’échange et de découverte, mais surtout l’endroit exclusif ou télécharger les livres existants en format numérique.

Cliquez ci-dessous pour voir la vidéo officielle d’annonce.

Commençons par voir ce que le site ne SERA PAS :

  • Ce ne sera pas un endroit de création collaborative
  • JK Rowling est très protectrice de son univers, ce qui explique que, même au niveau des produits dérivés, on voit très peu de quétaineries du genre chandail rose fluo « I ♥ Muggles ». Lorsqu’elle parle de la capacité de l’auteur et du lecteur à travailler ensemble, leurs rôles respectifs restent simples : l’auteur crée, le lecteur vit l’histoire. Tout au plus peut-on s’attendre à ce que le lecteur puisse avoir des choix de personnages à suivre, ou encore de contenu additionnel à consulter.
  • Ce ne sera pas un nouveau roman
  • En conférence de presse, on peut voir se promener le joli chiffre de 18 000 mots de nouveau matériel, mais ce matériel doit être considéré un peu comme les extras que l’on retrouve à la fin des DVDs : point de vue alternatif, scènes additionnelles, explications jugées superflues lors de l’édition, etc.

 

Et maintenant, ce que ça pourrait être :

Ce qui m’excite de l’annonce, c’est cette possibilité de réussir à faire de la lecture un médium social. Une des raisons pour laquelle la télévision et les films sont si populaires au détriment du médium littéraire est la possibilité d’en parler avec ses proches. Quand j’étais au secondaire, les lendemains de diffusion de « Lance et Compte », on ne parlait que de ça dans l’autobus scolaire. Aujourd’hui, ils sont des centaines à commenter « Tout le monde en parle » sur Twitter pendant la diffusion. Le partage d’une expérience de divertissement bonifie celle-ci et en fait durer le plaisir une fois la consommation terminée.

 

Les clubs de lecture sont une manière de rendre le tout social, mais n’ont pas encore tout à fait réussi à utiliser le web pour exploser de manière grand public. Outre les sites de critiques ou les blogues de lecture, la lecture et l’internet ont tendance à faire chambre à part.

 

  • Deux autres initiatives intéressantes de « lecture sociale » :
  • – Les défis littéraires. Samedi dernier, Le Globe and Mail passait un article très intéressant sur certains défis de lecture que se donnent les internautes entre eux. Par exemple : lire 13 livres d’auteurs canadiens.
  • – Les lectures chapitre par chapitre. Depuis des mois, je suis rivée à la lecture qu’un blogueur fait de A game of throne. Chaque semaine, il en lit deux chapitres et les commente. Or, j’ai déjà lu ce livre, mais le relire avec lui, et partager ses impressions m’offre une deuxième fenêtre dans cet univers.

Depuis les débuts du livre numérique que j’espère voir émerger de l’interactivité des lecteurs entre eux, alors que tous se penchent encore sur la numérisation, l’achat, et l’interactivité de l’usager avec son livre. Comment?

Mon espoir est que Pottermore sera un premier test de réunir tous les lecteurs autour d’une expérience littéraire commune. Dans la conférence de presse entourant la vidéo, elle a insisté sur le fait que la lecture serait au centre de son site, alors que plusieurs lui mettaient de la pression pour transformer le tout en jeu en ligne multijoueurs (MMO). Pourra-t-on y voir des milliers de fans prendre chaque chapitre et discuter de leurs impressions? Et surtout, est-ce que ce premier essai fera des petits et que nous verrons émerger de véritables agoras littéraires qui permettront à la lecture de n’être plus une expérience solitaire? C’est ce que j’espère!

 

PS : Pour ce qui est de la cryptique phrase « Follow the owl » à la fin, il s’agit plus que probablement du premier indice d’une chasse au trésor qui permettra d’obtenir un accès précoce au site en version Beta. Avis aux amateurs!

La frontière entre livre interactif et jeu

The Heart and the BottleEn commentaire à mon billet « Le bateau que manqueront les éditeurs »  portant sur les livres numériques interactifs, Liceal, du blogue « sous un pissenlit »  a eu la gentillesse de partager une bande-annonce pour un livre interactif de Harper Collins.  Les voilà, les livres interactifs sont à nos portes!

Cette bande-annonce a déclenché chez moi une réflexion, entamé depuis un commentaire entendu lors de ma présentation au Bookcamp, soit : « dès qu’il y a de l’interactivité, c’est un jeu, pas un livre ». Il est évident que le livre peut se permettre un peu d’interactivité tout en restant fidèle à sa nature, comme il est évident que trop d’interactivité transforme le tout en jeux. Mais la frontière entre les deux, quelle est-elle?

J’ai d’abord considéré la possibilité que la narration orale rendait nulle l’appellation de « livre », pour réaliser que les livres-audios et les livres-disques (trente-trois tours, longues durée, tirés du filme de Walt Disney) incluaient la narration complète du texte sans pour autant perdre leur appellation livresque. L’abus de dialogue m’a porté du côté des pièces de théâtre et du scénario, mais sans résoudre mon problème actuel.

J’ai ensuite cherché du côté des proportions entre la narration et l’interactivité. Du genre : « Au delà de 30% d’interactivité, ce n’est plus un livre », mais encore là, la définition porte à confusion et passe à côté de l’essentiel. Essentiel qui a fini par me frapper! Je déclare donc :

Dans un livre interactif, l’interactivité doit être au service de l’histoire textuelle.

Voilà ce qui, pour moi du moins, fait toute la différence entre un livre et un jeu (J’ai rajouté le « textuel » à la fin pour ne pas qu’on entre dans le domaine du film).

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en jeu vidéo, l’histoire n’est qu’un prétexte à l’interactivité, que l’on préfère habituellement appeler « Gameplay ». Je vous garantis qu’une mission dans un jeu d’espionnage commence par un décision de : « il faudrait maintenant une mission où le joueur ne peut pas se servir de ses armes » pour ensuite se développer en « OK, on va dire qu’il y a une fuite de gaz dans la base et que la moindre étincelle fait tout flamber ». Et non pas l’inverse.

Toujours pas convaincu que les histoires en jeux vidéo ne sont que des « scénarios prétextes à scènes de combat/course/tir/zombies? Croyez-vous vraiment que le Mario Bros de Myamoto a commencé par un épique récit de plombier sauvant une princesse des griffes d’un dinosaure? Eh non! À preuve, changez Mario en lapin, et la princesse en carotte, et vous obtenez exactement le même jeu. Faites le même exercice pour « le vieil homme et la mer », et vous obtenez une tout autre œuvre!

Vous rencontrerez possiblement des jeux vidéo ou des livres interactifs qui ne suivront pas le principe de ma définition. Dans ce cas, ce ne sera pas ma définition qui est invalide, mais bien ces œuvres qui ont été mal étiquetées, ou encore les créateurs qui n’auront pas fait correctement leur travail! Du moins, c’est ce que je dirai!

Il manque certainement quelques précisions, mais, comme créateur de ces deux types d’œuvres, c’est par celle-ci que je trancherai entre mon désir de pondre un jeu à caractère narratif ou un livre à caractère ludique. Comme disent les matantes, c’est l’intention qui compte.