Je pète ma coche contre l’absence de livres québécois sur le Kindle

J’ai un Kindle depuis quelque mois, et je n’ai jamais acheté autant de livres! Le processus est facile, instantané, et je n’ai même pas besoins de sortir ma carte de crédit, ce qui me donne l’impression (fausse, je sais) que ça ne coûte rien! Sans blague, je crois avoir acheté plus de livres neufs dans les deux derniers mois que dans la dernière année!

Combien de livres québécois, ou même francophone dans tout ça? ZÉRO!

Pourquoi? PARCE QU’ILS NE SONT PAS LÀ!!!

Tout le monde se vante de leur passage au numérique! Youpi, youpi, nos livres sont disponibles en numérique, de dire les Éditions X, Y, et Z (à ne pas confondre avec les Éditions XYZ). Pourtant, j’ouvre mon Kindle, effectue une recherche dans le « kindle store » et NE TROUVE RIEN!

Je sais bien, je pourrais me lever de mon fauteuil, aller à mon ordinateur, le commander sur un des autres magasins, envoyer le tout par courriel à mon kindle, et lire. Je le pourrais… et pourtant, je ne le fais pas. C’est beaucoup plus facile de lire autre chose, un gros succès américain qui, lui, est à ma portée. C’est la simple loi du moindre effort. Vous me trouvez paresseuse? Je m’en fous, ce n’est pas le point de ce billet.

Le grand rêve du numérique était que, avec la disparition du concept « d’espace-tablette », les livres puissent être disponibles facilement et en tout temps. Si votre livre n’est que sur la hutte, ou sur le site de Archambault, c’est comme s’il n’était qu’à la petite librairie indépendante du coin, et pas chez Renaud-Bray. Alors pourquoi les livres québécois n’y sont pas?

C’est peut-être interdit? me suis-je dit. Pourtant, les livres de Marie Potvin, eux, y sont!

C’est peut-être compliqué, ou onéreux? Me suis-je ensuite dit. Mais selon le site ehow, l’opération est, je cite : « moderately easy », et tout à fait gratuite puisque le modèle d’affaire de Amazon est de se prendre un pourcentage sur les ventes, comme n’importe quelle librairie.

Alors POURQUOI, POURQUOI, est-ce que les auteurs québécois ne sont pas disponibles sur Kindle? Michel Tremblay? Niet! Annie Groovie? Non plus! Dany Laferrière? Uniquement en anglais?!

Je suis toute prête à accepter l’idée qu’il existe une excellente raison pour ces absences… une raison que, dans mon ignorance, je ne réussis pas à voir pour le moment. Si c’est le cas, éclairez mes lanternes, parce que, en attendant, je pète ma coche!

14 réflexions sur « Je pète ma coche contre l’absence de livres québécois sur le Kindle »

  1. Ouf! — j’espère que tu vas retrouver tes esprits avant le temps des Fêtes! 😉

    La raison est assez simple. Les conditions commerciales d’Amazon ne conviennent pas à la très large majorité des éditeurs québécois. Sur plusieurs points, mais sur un en particulier: Amazon revendique le droit de déterminer elle-même le prix des livres, alors que les éditeurs exigent de leur côté le pouvoir de le déterminer.

    Les éditeurs Français (de France) n’y sont pas allé non plus avant qu’une loi sur le prix unique du livre numérique ne les protège de trop fortes variations de prix. Aujourd’hui, ils ont obtenus d’Amazon des conditions correctes, et y sont allés. Mais Amazon refuse de proposer ce contrats aux éditeurs québécois… alors…

    Cela a peut-être l’air de rien mais c’est d’autant plus important que la très grandes majorité des contrats (comme ceux de Apple, pour le iBookstore, de Kobo, etc.) exigent des éditeurs une « parité de prix » — et donc, de facto, si Amazon baisse les prix, alors les prix baissent partout — et, cela, hors de tout contrôle des éditeurs. Et cela n’est pas sans conséquence pour le réseau de librairies que les éditeurs souhaitent évidemment contribuer à protéger.

    J’entends déjà dire que les éditeurs sont de vieux cons de réagir comme ça, mais c’est aussi une responsabilité. Est-ce que les auteurs seraient tous prêts à accepter que leur rémunération soit maintenant dépendantes des prix pratiqués par Amazon (basé sur un revenu net — au lieu de sur un prix de vente (comme c’est le cas aux États-Unis)?

    Et les quelques éditeurs québécois qui sont sur Amazon (tu cites Marie Martel, chez NumerikLivres) — c’est qu’ils acceptent ces conditions pour la détermination des prix, et que leurs contrats d’auteurs prévoient cela aussi.

    Alors, une fois que tu sais ça, tu en penses quoi?

  2. Je me dois de répondre en toutes amitiés à Clément. Nous passons en direct chez Amazon depuis 2 ans, c’est pour cette raison. Nos prix sont identiques partout que ce soit sur Archambault.ca, comme sur Amazon ou encore sur l’iBookstore. Bien évident, nos prix sont adaptés à l’écosystème du numérique étant donné que nous ne publions pas de version papier et nous n’en publierons jamais.

  3. Pas de problème Jean-François. Je sais que tu y vas en direct avec Amazon, et tous les éditeurs sont libres de le faire s’ils le souhaitent et s’ils acceptent les conditions d’Amazon.

    Mais tu reconnais que Amazon peut changer tes prix quand ils le veulent, n’est-ce pas? Et est-ce que tu reconnais que certains éditeurs peuvent avoir des craintes à cet égard? Que ce n’est pas que du délire?

    Ma réponse ne visait pas à justifier quoi que ce soit, simplement à expliquer les craintes qui font en sorte qu’aussi peu de livres québécois sont disponibles sur le Kindle (et de livres français, aux utilisateurs québécois du Kindle, d’ailleurs).

  4. @Clément: En même temps, dans le milieu du livre papier, ce sont les libraires qui décident du prix, non? Les éditeurs ne mettent qu’un « prix suggéré ». D’un autre côté, dans l’article de eHow, il est indiqué que les personnes qui « uploadent » un livre peuvent choisir un prix. Évidemment, il s’agit alors directement d’auteurs et non d’éditeurs, mais qu’est-ce qui empêche les éditeurs d’utiliser cette fonction au nom de l’auteur et d’ainsi choisir eux-même le prix?

    @Jean-François: Qu’est-ce que tu veux dire par « passer en direct chez Amazon »? Est-ce que vous les laissez choisir vos prix comme l’indique Clément ou est-ce que vous « uploadez » les livres comme si vous étiez des auteurs comme je le suggère dans ma réponse ci-haut?

  5. @Annie: il est possible pour les éditeurs de télécharger les livres « manuellement » chez Amazon. Il est aussi possible de le faire par divers « API », via des plateformes de distribution spécialisées dans ce genre de travail. De Marque développe et opère une plateforme de ce genre, au Québec, en France et en Italie. C’est pour la dimension technique.

    Pour la dimension commerciale, Amazon offre des modalités « par défaut » aux auteurs et éditeurs qui déposent « manuellement » leurs fichiers. La situation de la plupart des éditeurs requiert des conditions plus précises et parfois spécifiques. Ce sont les conditions de ces contrats qui sont au coeur du litige aujourd’hui et qui sont la cause de la situation que tu décris.

    Dans les librairies québécoises, ce sont effectivement les libraires (et plus généralement les détaillants) qui déterminent le prix des livres. C’est d’ailleurs la cause de bien des problèmes auxquels l’industrie tente d’apporter des solutions depuis plusieurs mois, notamment en demandant au ministère de la Culture une réglementation sur le prix des livres (il y a un très large consensus de l’industrie à ce sujet). Alors tu comprends que c’est difficile pour les éditeurs de demander à l’État de réglementer le prix des livres imprimés et accepter d’autre part qu’Amazon puisse déterminer librement le prix des livres numériques (avec les conséquences évoqués — sur les autres points de ventes numériques et sur le réseau de vente des livres imprimés).

    La Loi sur l’industrie du livre (communément appelée Loi 51) reconnaît au Québec l’interdépendance entre les différents acteurs du monde du livre (éditeurs, distributeurs, libraires, bibliothèques). C’est sur cette base que l’industrie s’est (très bien) développée depuis 1981 et que, tour à tour, de l’aide a été apporté par les uns et les autres aux autres éléments de « la chaîne » quand elles ont eu des difficultés. Les éditeurs (et les autres) n’ont donc pas envie de tout balancer cela « juste pour aller chez Amazon ».

    Les éditeurs se méfient de l’avantage concurrentiel et du rapport de force qu’ils pourraient donner à Amazon en signant le contrat qu’il leur propose aujourd’hui tel quel. L’expérience du marché étatsuniens les renforcent d’ailleurs dans cette conviction — et qui les incites à cette prudence à l’égard du géant du commerce au détail. Il y a de nombreux textes sur le Web qui témoignent de la relation de très grande méfiance des éditeurs états-uniens à l’égard d’Amazon.

    En attendant, on peut lire les livres québécois sur bien d’autres types de « liseuses » ou de tablettes — le temps qu’on trouve la bonne manière pour rendre ces livres disponibles sans tout concéder à Amazon.

  6. @clément, je peux t’assurer que depuis deux ans que nous passons en direct sur Amazon, Amzon ne s’est jamais permis de changer une seule nos prix. et @Annie nous avons le contrôle total des métadonnées et du prix en passant en direct, nous n’avons jamais eu de probléme à ce niveau-là. Je peux le garantir.

    Maintenant, en tant qu’éditeur, je ne cherche à me poser la question s’il faut être sur tel type ou tel type de plateformes. Nous nous devons d’être sur toutes les plateformes où l’on peut télécharger. En tant qu’éditeur ou libraire d’ailleurs, je n’ai pas à choisir mes lecteurs, c’est les lecteurs qui me choisiront. Maintenant, et je rejoins @clément, il faut être conscient qu’en achetant un Kindle on s’aliène à Amazon. Et là, j’avoue que je ne comprends pas ça. J’ai un iPad et quoiqu’on en dise, finalement, Apple est le système fermé le plus ouvert, bien plus ouvert que le Kindle d’Amazon. Depuis deux ans, avec mon iPad, je ne lis pas uniquement des fichiers téléchargés depuis l’iBookstore mais provenant d’autres librairies ou d’autres éditeurs à condition que ces derniers ne soient pas affublés de verrous numériques plus communément appelés verrous numériques. Ce que je veux dire par là, c’est qu’en temps que lecteur/consommateur il faut également réfléchir avant de faire un acte d’achat. Pourquoi un Kindle alors qu’il y a d’autres liseuses ou tablettes qui acceptent de lire des fichiers extérieurs que je pourrais transférer comme je voudrais ?

  7. Wow! Merci @clément pour ces éclaircissements. Je m’imaginais bien qu’il y avait une raison particulière, mais n’avais jamais réalisé que la politique de l’industrie du livre soit présentement si compliquée. Je ne suis pas encore certaine d’être d’accord, mais au moins, j’ai tout les éléments pour me forger une opinion. Je vais laisser le tout macérer dans mon cerveau un peu. Encore merci!

  8. @Jean-François: Je ne sais toujours pas ce que veut dire « passer en direct »! Par contre, une chose est certaine, c’est que comme auteur on a qu’une seule envie: que nos livres soient accessibles à tous, quelle que soit la plate-forme. De l’autre côté, on pense également: « ne touchez surtout pas à nos droits d’auteurs », alors je comprend qu’il puisse y avoir des raisons politiques à refuser un espace. Pour ce qui est du choix de la liseuse, c’est un maillon de la chaîne sur lequel ni moi, ni les éditeurs, n’avons de pouvoir. Si ce n’était que de moi, tous les médias devraient accepter tous les formats! Je suis aussi frustrée de ne pas pouvoir jouer « little big planet » sur mon Wii que de ne pas pouvoir lire de québécois sur mon Kindle!

  9. Passer en direct, Annie, cela veut dire que je travaille directement avec Amazon. Et en passant, nous reversons 25% de droits d’auteur sur chaque téléchargement à nos auteurs que nous diffusons partout sur le Kindle, sur l’iBookstore mais aussi chez les libraires en France, au Québec, etc.

  10. Ça fait pas mal un survol — dans les grands lignes au moins. N’hésite pas à refaire des coups de gueule de ce genre!

    @Jean-François: en tout respect, reconnaissons que ce n’est sans doute pas sur les livres de Numeriklivres que Amazon a le plus de désirs de faire des opérations de prix coupés pour se donner des produits d’appels — c’est pourquoi la question se pose différemment selon les éditeurs.

    @Annie, ce sera intéressant de savoir comment ta réflexion évoluera après ces infos (du point de vue d’auteur — et si tu as envie d’en parler avec ton/tes éditeur/s.

  11. Bonjour,

    Nous vendons nos livres numériques depuis longtemps chez Amazon, pour le Kindle. Je peux vous confirmer que ce n’est pas Amazon qui fixe le prix des livres, mais bien l’éditeur. Par contre, Amazon encourage celui-ci à ne pas dépasser la barre des 9.99$, en lui offrant une commission plus importante sur les ventes.

    De toute manière, selon nous, un livre numérique ne devrait pas se vendre au-delà de 10$, sauf exception. Amazon ne revoit donc pas à la baisse le prix du livre puisque c’est l’éditeur qui le fixe lui-même.

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