Le véritable métier des auteurs jeunesse

Femme, multitasking, libre de droits

Au dernier Salon, après avoir reçu une dédicace, une mère m’a montré en exemple à sa fille en lui disant : « Tu vois, c’est possible de vivre de l’écriture ».  J’ai réussi à ne pas recracher ma gorgée de café, mais je n’ai pas eu le temps de lui répondre qu’elles étaient déjà parties. Car voilà : si c’est possible (et ce l’est), ce n’est pas mon cas pour le moment, et ce n’est pas le cas de la grande majorité des auteurs!

La plupart des auteurs jeunesse ont un deuxième métier qui leur permet de mettre du beurre sur le pain : professeur, correctrice, rédactrice, journaliste, scénariste, quand ce n’est pas un métier complètement autre; eh oui, votre comptable écrit peut-être des romans jeunesse en cachette… googlez-le juste pour voir!

Le jonglage entre les deux se fait de manière différente, et en proportion différente, selon chacun! Le soir et les week-ends pour les plus vaillants, entre les contrats pour les pigistes, à temps partiel pour les chanceux!

Moi dans tout ça? Je suis scénariste en jeux vidéos! J’ai de la chance : c’est un métier créatif, que j’aime beaucoup! Ainsi, cette semaine, entre un salon du livre, deux animations scolaires et un lancement, j’ai également une échéance et une rencontre avec un nouveau client potentiel… et je trouve tout de même le temps de vous écrire ce mot!

Bilan du Salon!

Si les deux journées de semaine ont été terriblement décourageantes, au  point de les trouver inutiles, les deux journées du week-end ont largement compensé! Les spectacles ayant fait salle comble, le trafic ne manquait pas, et nous avons rarement eu plus d’une dizaine de minutes de répits entre les différentes vagues. Au bilan, presque qu’une centaine de livres de vendus (et signés), alors qu’on parlait plutôt d’une vingtaine après les trois jours de visites scolaires.

Les rencontres

J’ai pu revoir pour la première fois depuis plusieurs années, Nadine Descheneaux, auteure de la série du Divan Rose, (z)impartaite à ses heures, et ancienne collègue de chez PetitMonde. J’ai également pu discuter en personne (et avec grand plaisir) pour la première fois Élise Bouthillier, avec laquelle j’échange depuis quelques mois sur Twitter. Mes deux journées de semaine se sont fait en compagnie d’Isabelle Larouche, avec qui je passerais des heures à jaser plutôt que de vendre de livres, et, évidemment, de Viateur Lefrançois et de Liliane, toujours fidèles au poste pour les Éditions du Phoenix!

Mais surtout, une rencontre avec des centaines d’enfants dont les yeux s’allument à la vue de tant de livres! Des enfants qui écoutent, partent, reviennent, supplient leurs parents, et repartent, tout contents, avec un livre autographié! Serai-je présente au salon l’année prochaine? Certainement! Ferais-je tous les jours de tous les Salons de la province? Certainement pas! Après tout, mon métier est avant tout d’écrire, le reste de la promotion de terrain sera une question de choix… et de dosage!

Les visites scolaires dans les salons : culture ou perte de temps?

Après la publication de mon dernier billet, pensés après cette première journée de salon, une grande discussion s’est engagée sur Facebook entre de mes amis auteurs et de mes amis professeurs au sujet de l’interdiction d’acheter des livres au Salon que certaines écoles en visite imposent à leurs élèves. Évidemment, cette décision ne plaît pas aux auteurs qui prennent une journée à leur frais pour faire de la promotion et n’ont pas envie de la passer à poireauter devant des piles de livres invendus.

Les raisons des professeurs sont nombreuses : argent perdu, emphase des inégalités sociales, mauvais choix de livre, enfants pris dans une file pour payer alors que l’autobus s’en va, etc. Je comprends parfaitement les raisons des enseignants : la gestion de l’argent est une chose compliquée à apprendre aux enfants, possiblement une qui devrait être du ressort des parents plutôt que de celui des professeurs.

N’empêche que le résultat est que les enfants ne font qu’errer sans but pendant une heure entre les allés de livres en collectionnant les signets devant des auteurs qui, eux, se disent qu’on ne les y prendra plus. Donc, si cette tendance se maintient, les auteurs bouderont de plus en plus l’événement, du moins durant la semaine, et, avouons-le, tant qu’à amener les élèves dans un salon sans auteurs, les écoles sont aussi bien de les amener au Renaud-Bray!

Mon conseil au Salon du livre jeunesse de Longueuil:

Utilisez plutôt les jours de semaine pour organiser une journée pour les professionnels (conseillers pédagogiques, bibliothécaires, etc.) remplie de conférences et d’animations. Si vous réussissez à en attirer un bon nombre, les éditeurs se battront pour un espace-kiosque.

Mon conseil aux parents :

Allez au Salon du Livre Jeunesse avec vos enfants, donnez-leur 20$ et « lâchez-les lousses »! Le salon est trop petit pour être dangereux, et ce sera pour eux soit une belle occasion d’apprendre, soit une belle occasion de vous surprendre.

Mes conseils aux écoles qui imposent cette interdiction d’achat :

– Si vous désirez que vos élèves aient un contact avec des auteurs, invitez-en plutôt un dans votre classe, que ce soit pour une animation comme la mienne, avec la Caravane de la fête du livre où avec le programme La culture à l’école.

– Si vous désirez leur offrir un moment privilégié entouré de livres, amenez-les à la bibliothèque où ils pourront les ouvrir et s’y plonger.

– Si vous désirez tout de même les amener au Salon, imposez-leur au moins un devoir qui les obligera à regarder les livres, par exemple d’en noter trois qui serviront de suggestions pour la bibliothèque de l’école.

Finalement, il existe aussi une solution qui les englobe toutes : certaines librairies (Boyer sur la Rive-Sud, et BuroPlus à Saint-Jean, entre autres) font des salons privés dans les gymnases des écoles. On jumèle le tout avec une présence d’auteur dans les classes, et les achats s’effectuent avec les parents lorsqu’ils viennent chercher leurs rejetons après 3 h! Tout le monde y gagne!

Pensées en vrac après cette première journée de Salon

Tenir son livre dans ses mains pour la première fois, c’est toujours un bon « feeling »!

Fini la distribution systématique des signets! Je ne renfloue plus ces collections qui termineront toutes éventuellement dans les poubelles! Je ne les donne plus qu’aux personnes qui semblent réellement intéressées.

J’ai beau comprendre les raisons des professeurs, je trouve qu’interdire aux enfants d’acheter des livres lors de leur présence au salon, c’est envoyer le mauvais message à tout le monde!

C’est l’arrivée des « booth babes » dans les Salons du livre! Juste devant notre kiosque, une grande blonde habillée en « SuperGirl » faisait la promotion de livres personnalisés de Marvel.

Les professeurs de primaire masculin existent! J’en ai rencontré trois juste aujourd’hui!

Salon du livre Jeunesse de Longueuil et questionnement professionnel!

Je serai en séance de dédicaces au kiosque des Éditions du Phoenix (12) pour la presque totalité du Salon du Livre Jeunesse de Longueuil. En fait, il n’y a que le vendredi où je devrai m’absenter pour cause de contrat; il faut bien vivre!

Bien qu’il me soit arrivé souvent de faire des jeudis-vendredis intensifs, ce sera la première fois que je fais également la fin de semaine.  J’y vais avec en poche une grande question : est-ce que ça en vaut la peine?

Pour se ressourcer? Sans contredit! Pour rencontrer et discuter avec des lecteurs? Absolument! Pour créer des liens avec d’autres auteurs et éditeurs? Encore plus! Financièrement?… C’est là où le bât blesse!

Je donne en exemple mon premier Salon, soit celui de Sherbrooke en 2007. J’y ai passé les deux premières journées au cours desquelles j’ai vendu près d’une trentaine de livres, un assez bon chiffre, me suis-je fait dire. Or, À 10 % de droits d’auteurs sur des livres à 8,95 $, ça ne paie même pas l’essence utilisée pour me rendre en Estrie! Sans compter que, durant ces deux jours, je n’ai ni écrit, ni fait de contrats.  Bon, évidemment, les ventes ne sont qu’une partie de l’équation! J’ai également parlé à des centaines de lecteurs potentiels qui ont peut-être retenu mon nom et distribué d’innombrables signets (tel que si bien illustré ici par Stéphane Dompierre et Pascal Girard).

Je ne remets pas en question ma présence dans les salons, j’aime trop les trois premières raisons mentionnées pour m’en faire avec la quatrième! N’empêche que la question se pose : à quel point cette publicité de terrain aide-t-elle la carrière d’un auteur jeunesse?

John William Waterhouse: illustrateur de fiction!

Depuis plusieurs mois, le Musée des Beaux Arts de Montréal présente une exposition des œuvres de John William Waterhouse. Une éclaircie dans mon écriture et mes contrats m’avaient permis de faire le projet d’y aller vendredi dernier, mais malheureusement, un imprévu m’a obligée à reste à la maison. L’exposition se termine dans deux jours.

Certains se demanderont l’intérêt d’un tel artiste. Après tout, c’est du figuratif, style considéré comme intellectuellement un peu « facile », et n’est même pas dans les meilleurs du genre, comme, par exemple, un Raphael ou un Michel-Ange. Pourtant, il est de loin mon préféré, parce que ce n’est pas un peintre : c’est un illustrateur de fiction! On retrouve dans ses œuvres tous les grands personnages féminins des auteurs qui ont traversé les âges : Ophélie (Shakespeare), Circé (Homère), la belle dame sans merci (Yeats), pour n’en nommer que quelques-unes! Mais non seulement ses tableaux sont inspirés des plus grands récits fantastiques, mais chacun semble raconter, sans le support de l’œuvre originale, une histoire à lui seul. À preuve, ses tableaux ont ornés maintes et maintes couvertures de livres écrits bien après sa mort.

J’ai mémoire d’une encyclopédie du merveilleux que possédait une tante, et dans laquelle figuraient plusieurs tableaux de John William Waterhouse, dont la sirène placée en haut du présent billet. Que d’heures j’ai passées à les regarder avec la conviction grandissante que ces personnages mythiques avaient existé pour de vrai!

Certaines expositions ouvrent les yeux, d’autres l’esprit, celle de John William Waterhouse, j’en suis certaine, ouvre l’imagination.

En caravane, allons à… Brossard!

J’ai passé la matinée dans une école de Brossard pour rencontrer des jeunes et leur parler d’écriture dans le cadre de la Caravane de la Fête du Livre de Longueuil. Pratique courante chez les auteurs jeunesse, ces rencontres permettent aux élèves d’en savoir un peu plus sur le métier, et aux auteurs de prendre un « bain de lecteur » en échangeant avec des enfants.

Mon animation officielle est mouvante, j’y enlève ou ajoute des morceaux selon mon humeur et le temps alloué. Une de mes parties préférées : je crée un personnage à l’aide de qualités et de défauts proposés par les élèves, et j’improvise une histoire qui utilise ces caractéristiques. Aujourd’hui, on a eu droit à…

  • – Un joueur de soccer méchant qui blesse un coéquipier et se rachète en allégeant l’humeur des autres juste avant le grand match.
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  • – Une ballerine maladroite qui s’étale sur la scène lors de l’audition, mais réussit à voler la vedette lors du spectacle en racontant des blagues.
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  • – Une amatrice de jeux vidéo qui entre dans le jeu et doit aider les personnages à expulser un virus pour entrer chez elle.

Le fait d’inventer une histoire au fur et à mesure peut sembler impressionnant, mais est en fait largement facilité par la présence du personnage préfabriqué! À chaque péripetie, je reviens au personnage et laisse une de ses charactéristiques me dicter la suite!  Comme quoi les limites imposées servent l’imagination plutôt que de lui nuire!

Le pouvoir d’un nom

Adam Savage, l'original! Je n’aime pas beaucoup trouver des noms à mes personnages; l’importance de l’exercice me paralyse. Un nom permet de qualifier à lui seul la personnalité d’un protagoniste, sans même que la plus petite description n’ait été abordée. Si certains noms possèdent une connotation rattachée aux homonymes historiques, culturels ou rencontrés, certains autres évoquent des traits de personnalités de par leur seule musicalité.

Lorsque je rencontre un tel nom, je le garde en mémoire. Puisque le présent blogue me sert un peu de carnet de notes, voici les derniers rencontrés et ce qu’ils m’inspirent!

Michael Dark
Originellement : un personnage dans un jeu de rôle.
M’inspire : homme d’action, aventurier, sans peur. Possiblement le héros d’un polar.

Adam Savage
Originellement : animateur de l’émission MythBusters
M’inspire : Explorateur de jungle amazonienne, mal rasé et capable de tuer serpent à mains nues!

Mme Latremouille
Originellement : Gabrielle, la mère des sœurs McGarrigle
M’inspire : J’imagine autant une Duchesse rigolote qu’une concierge un peu commère. Dans un cas comme dans l’autre, très franco-française!

Pavlov, le bain et la structure narrative (dans le désordre)

Pendant des semaines et des semaines, il y a deux ans, j’ai inventé une histoire chaque soir en donnant le bain à ma fille. À de nombreuses reprises, je me suis dit que je devrais noter lesdites histoires pour référence future, chose que je n’ai, évidemment jamais faite!

Avec le recul, les récits étaient, somme tout, plutôt ordinaires. Par contre, la structure, elle, me reste en tête comme étant intéressante! Voyez-vous, l’histoire commençait et se terminait systématiquement par les deux mêmes phrases.

« Ce soir-là, Maman Canard racontait aux oursons une histoire de… »

En gros, elle leur souhaitait bonne nuit et allait écouter la télé. Les oursons, une fois seuls, sortaient par la fenêtre et vivaient une aventure complètement invraisemblable reprenant le thème de leur histoire du soir. Après quelques péripéties au cours desquelles pouvait s’écouler un lapse de temps excessivement aléatoire, ils revenaient dans leur lit juste à temps, car…

« Maman Canard passa la tête par la porte pour s’assurer que ses oursons dormaient paisiblement, et, satisfaite, alla se coucher à son tour ».

J’aime bien cette idée de structure répétée. Il s’y trouve un petit quelque chose de réconfortant, surtout lorsque la répétition occupe les deux extrémités du récit, un peu comme tous les épisodes d’une série télévisée sont encadrés par une même chanson thème et un même générique de fin. Dès les premières notes, on est en terrain familier; on pourrait même parler d’anticipation pavlovienne… Hum! Ça ferait chic comme expression dans une lettre à un éditeur! À garder!

Lancement de Terra Incognita: Pirates à bâbord!

Pour le lancement de mon deuxième roman jeunesse, Terra Incognita : Pirates à bâbord, je voulais quelque chose de convivial, de local, et de public.

Il aura donc lieu samedi 20 février après-midi de 14 h à 17 h dans une crèmerie de mon quartier : le Péché glacé au 2001 avenue Mont-Royal Est (juste à l’ouest de De Lorimier). Venez quand vous voulez, prenez un café, une crêpe ou une crème glacée, et profitez-en pour venir me « piquer une jasette »! Surtout, amenez les enfants! Après tout, c’est pour eux que j’écris! Le restaurant comprend d’ailleurs une aire de jeux pour éviter qu’ils ne trouvent le temps long! Vous voyez, on a pensé à tout!

Tous les titres des Éditions du Phoenix seront disponibles, et je serai en séance de dédicace pour tout l’après-midi.

Vous pouvez confirmer votre présence sur la Page Facebook de l’événement.

Voici la couverture du livre, pour vous allécher un peu en attendant la sortie!