J’ai récemment ré-écouté Marry Poppins. En analysant mes scènes préférées, soit celles à l’intérieur du tableau à la craie, j’ai dû me rendre à l’évidence : elles sont narrativement plutôt inutiles. Bon, elles servent à installer le caractère fantasque de Marry Poppins, mais pour être très honnête, les trois quarts des scènes du film ont exactement la même utilité. L’histoire n’avance donc pas vraiment. Est-ce qu’il aurait fallu les couper? Jamais de la vie! Le film aurait alors perdu une grande partie de son charme.
En narration occidentale (j’inclus ici les livres, mais également le cinéma et la télé), nous avons une obsession pour la pertinence. Si une scène ne sert à rien, elle doit être coupée. L’efficacité est de mise. Mais n’y perdons-nous pas en atmosphère? Prenez Harry Potter en autre exemple. On y trouve plusieurs scènes de la vie quotidienne des élèves à l’école. Des cours, des jeux, du simple flânage entre les cours. Ces scènes périphériques permettent au lecteur de sentir l’ambiance complète de l’école. S’il n’y avait que de scènes de conflit et de résolution, le livre gagnerait peut-être en efficacité et en concision, mais il perdrait une partie de sa magie.
L’autre problème de l’efficacité à tout coup, c’est qu’une personne le moindrement ferrée en récit devine d’avance les morceaux importants de l’histoire. Un personnage mentionne qu’il est champion en saut en hauteur, on sait que cette capacité sera utilisée avant la fin de l’histoire. Son ami lui donne un paquet de gomme à mâcher, même chose. La seule exception que j’ai vue à cette règle était un élastique à cheveux reçu par l’héroïne dans le film Spirited Away de Miyazaki. Elle le reçoit, et c’est tout. On ne le revoit plus du reste du film. Les Japonais n’auraient-ils pas notre obsession pour l’utile et l’efficace? Je ne suis pas assez spécialiste pour répondre (@Gen peut-être?)
Les scènes inutiles sont comme les bouquets de fleurs dans une pièce. Pourquoi ne pas fleurir un peu nos romans?