L’affaire Godbout


Petit rappel des grandes lignes, puisque c’est une affaire qui a surtout touché le milieu littéraire et n’a pas fait grand bruit ailleurs :

Une professeure a porté plainte contre un passage du livre « Hansel et Gretel » d’Yvan Godbout, publié dans la collection d’horreur « Contes interdits » de la maison de publication ADA.  Le passage en question raconte le viol incestueux d’une jeune fille. L’auteur et l’éditeur sont désormais accusés par le Directeur des poursuites criminelles et pénales pour production et distribution de pornographie juvénile. Ils seront portés devant jury, et risquent la prison.

Il y a deux débats dans cette histoire. Le premier est la fameuse question de la liberté d’expression vs la censure de l’état. Certains montent aux barricades en disant qu’il est intolérable que le gouvernement puisse interdire certains écrits. Dans ce débat particulier, je me retrouve plutôt du côté des pondérés. Je ne crois pas que l’on doit tout permettre aux auteurs! Un livre qui inviterait au racisme, à l’intolérance ou à la haine, par exemple, devrait absolument être proscrit. On parle beaucoup de Fake News, aussi! Est-ce qu’on désire que ces derniers prennent d’assaut les tablettes des librairies? Même sous une forme de fiction? Par contre, dans tous ces cas, une des caractéristiques importantes serait non pas les mots exacts d’une ligne donnée, mais bien l’intention du livre, l’intention de l’auteur. Dans le cas qui nous intéresse cette scène de viol sert à faire détester le coupable, le rendre abject, pour mieux lui exploser la cervelle (c’est un livre d’horreur après tout) dans les passages qui suivent. Mis dans son contexte, l’intention est de dénoncer l’acte vil, non de l’encourager. Sous cette lumière, la plainte n’aurait pas dû dépasser le stade de la simple vérification.

La deuxième du débat est celle du cauchemar vécu par l’auteur. Avez-vous déjà été poursuivi en justice? C’est un stress épouvantable! Ça ne m’est arrivé qu’une seule fois, lorsque j’étais vice-présidente de l’AEQJ, et encore, ce n’est pas moi personnellement, mais bien l’entité, qui était poursuivie. Je n’en dormais plus la nuit. J’imaginais des huissiers venir saisir tout ce que j’avais. Pour une des rares fois dans ma vie, j’ai dû fuir, abandonner. Je ne veux même pas imaginer ce que ça aurait été si c’était la prison qui avait pendu au-dessus de ma tête. Tant qu’on n’y est pas confronté,  on pense que la justice sert à condamner des criminels qui ont enfreint la loi de manière tout à fait volontaire. On pense aussi qu’elle sera juste, et que les innocents seront disculpés. La vérité est un peu plus floue. Déjà, c’est long très long! Et pendant ce temps, le stress est insupportable, la vie est mise de côté, et les préjugés se montent. « innocent jusqu’à preuve du contraire » est un principe bien ignoré dans cette ère de médias sociaux! Aussi, un Jury, c’est terrifiant! C’est mettre sa destinée dans les mains de parfaits inconnus qui n’ont été choisis ni pour leur gros bon sens, ni pour leurs compétences, ni pour leur sens inné de la justice. Il fut un temps où j’avais toute confiance en l’être humain, en ce qu’on appelle parfois #lesgens. Puis, un peuple entier a élu un imbécile comme président, et je ne fais plus confiance au peuple au sens large. Et finalement, la prison, cet endroit terrifiant entre tous, pour quelqu’un qui n’a jamais, JAMAIS, eut l’intention de faire du mal à qui que ce soit. Exagéré, vous pensez? Pire, c’est un drame, une tragédie, le cauchemar de tout auteur.

En résumé :

Est-ce que les auteurs devraient avoir le droit de tout dire? NON! Il est important de légiférer, afin d’éviter (entre autres) les incitations à la haine.

Est-ce que’Yvan Godbout mérite la prison? NON! Il ne mérite même pas le stress épouvantable dans lequel le plonge la lenteur de notre système juridique.

Cher Yvan Godbout, on ne se connait pas, mais si jamais on vous condamne à la prison, je serai la première dans la rue à manifester avec les autres.

3 réflexions sur « L’affaire Godbout »

  1. D’autant plus que la définition de la prono juvénile est claire et que malgré le caractères explicite, ce n’en est vraiment pas.

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