Mon mari m’envoie beaucoup d’articles. New York Times, Guardian, Globe and Mail, il est un news junky, et en profite pour me transmet tout ce qui touche l’industrie du livre.
Cette semaine, un article lu il y a quelques mois s’est mis à me trotter en tête. Je n’ai malheureusement pas réussi à le retrouver, mais il disait, en gros, ceci :
L’industrie du livre est en train de migrer d’une industrie de fond à une industrie de la nouveauté.
Note pour les néophytes : le « fond » représente les livres que les libraires tiennent en tout temps, les classiques qui continuent de se vendre, année après année.
Cette phrase expliquerait bien les symptômes ci-dessous, que j’observe dans l’industrie depuis des années :
- Les livres ne sont plus en librairie lorsqu’arrive leurs nominations pour des prix (et n’y retournent pas pour autant)
- Les premiers tomes de séries ne sont pas systématiquement recommandés lors de la sortie des tomes suivants, à moins que celui-ci n’ait été un très bon vendeur
- Les collections par âge (Maboul, Cheval masqué, Chat de gouttière), qui étaient autrefois des valeurs sûre se retrouvent sur les tablettes sans passer par le sacro-saint cube.
- Mêmes les livres qui auraient dû devenir des grands classiques (les orphelins Beaudelaires, le pigeon de Moe Willhem) ne sont plus disponibles quelques années après leurs moments de gloire.
Le tout est probablement causé par la surproduction, comme en a si bien parlé Daniel Sernine dans le dernier Lurelu, ainsi que le Devoir pas plus tard qu’avant hier dans leur article: Les auteurs sont-ils condamnés à la surproduction?.
C’est un grand changement dans l’industrie, puisque ça veut dire que les livres, qui avaient autrefois jusqu’à une année complète pour faire leurs preuves, n’ont plus que quelques mois, voir semaines, pour trouver leurs lecteurs.
L’industrie du livre se rapproche ainsi de l’industrie du cinéma dans laquelle les films n’ont plus que quelques fins de semaines pour convaincre les cinéplexes de les garder en salle. Un mauvais premier week-end et le film disparaîtra avant la fin du mois.
Qu’est-ce que ce changement implique, comment s’y adapter? Je vais essayer d’approfondir le sujet dans mes prochains billets. J’en ai déjà un en tête sur les ventes hors nouveauté et best-sellers (parce que ça existe encore!) et un autre sur les stratégies qu’adoptent déjà les éditeurs . Rendez-vous les prochains lundis pour lire tout ça!
Notez avant de partir que mes observations se font à partir des inventaires des deux grosses chaines de librairies, puisque ce sont les inventaires auquel j’ai accès grâce à leurs sites internet. Il est possible que la situation soit différente dans les librairies indépendantes, et c’est d’ailleurs pourquoi elles sont indispensables à l’écosystème!
J’essaie encore de comprendre pourquoi les éditeurs se sont laissés embarquer dans ce mouvement de « saveur du moi », alors que ça les force à travailler comme des défoncés et à rogner sur tous les coûts pour être rentables. Les éditeurs qui n’ont pas embarqué dans le courant (je pense à Alire qui produit bon an mal an à peu près toujours le même nombre de livres) sont pourtant toujours à flot. Et même, ils ont fidélisé leur clientèle, qui sait que leurs livres auront été travaillé et révisé avec sérieux.
Pas certaines des causes moi non plus. Mais ça semble être un mouvement très généralisé dans toutes les industries du divertissement!
As-tu cet article du Devoir?
Paru il y a 2 jours. Je dois dire que je me fais la même réflexion et que ça me décourage un peu. L’article est intéressant, mais je trouve qu’ils ont effleuré le sujet.
http://www.ledevoir.com/culture/livres/455119/litterature-jeunesse-les-auteurs-sont-ils-condamnes-a-la-surproduction
Je l’ai lu après avoir rédigé le billet, et je l’ai tellement aimé que j’ai ajouté une référence dans l’article (vois premier paragraphe après la liste à boulette). J’avais surtout adoré l’article de Sernine, lui-même cité dans celui du devoir.