Tobie Lolness : ou la différence entre l’art et le divertissement dans la littérature jeunesse

J’avais lu le premier, La vie Suspendue, il y a près d’un an, j’avais adoré. Je viens tout juste de terminer le deuxième, Les yeux d’Elisha. Je suis époustouflée. La série Tobie Lolness est officiellement ce que j’ai lu de mieux en littérature jeunesse, de par ses personnages, de par son intrigue, mais surtout, de par son écriture.

Je m’explique.

La plupart des livres jeunesse, aussi bons soient-ils, sont écrits avec une plume efficace, voire invisible. Si on me demandait, par exemple, si J.K. Rowling écrit bien, je réfléchirais quelques minutes, pour penser : « elle écrit sans doute bien, puisque sa plume ne m’a jamais dérangée lors de la lecture de la série ». Comme de fait, lorsqu’on lit les Harry Potter, l’écriture n’est jamais un obstacle. Ça coule, on se plonge dans l’action, on oublie qu’une personne nous raconte toutes ces péripéties. Bref : une écriture efficace et invisible.

J’ai déjà écrit, sur ce blogue, une ode à l’écriture hyper-présente, mais il s’agit d’autre chose dans le cas de Tobie Lolness. Timothée de Fombelle, l’auteur, écrit merveilleusement bien, d’une écriture qui nous fait arrêter pour dire simplement « wow », comme si nous figurions dans une mauvaise annonce d’hôtel.

Des exemples? Ça va de la simple phrase humoristique intelligente :

Première phrase du deuxième livre :

«  Si la bêtise avait un poids, le major aurait déjà fait craquer la branche ».

 

À la poésie pure et simple :

  Alors qu’une captive accepte un mariage forcé :

« Il n’y avait pas la place pour la moindre poussière d’amour entre les trois lettres de son oui. »

 

On passe donc au-delà de l’efficacité pour entrer dans la beauté de la langue, pour créer des images, des atmosphères, des impressions. Cette utilisation du médium pour aller au-delà de l’histoire narrative pour s’adresser plutôt aux sphères plus aériennes de la pensée n’est-elle pas à la base même de l’ART?

Tout ça pour dire que Tobie Lolness est maintenant ma cible à atteindre au niveau de la qualité, le spécimen à partir duquel chacune de mes œuvres futures sera jugée. La barre est haute!

6 réflexions sur « Tobie Lolness : ou la différence entre l’art et le divertissement dans la littérature jeunesse »

  1. Bonjour,
    La qualité d’un tel roman témoigne de l’humanité de son auteur. J’ai rencontré Timothée de Fombelle la semaine dernière. Son regard et son écoute de ceux qui l’entourent sont exceptionnels. Je reprends les mots de Geneviève Brisac dans le recueil « Lire est le propre de l’Homme »: « Regarde et écoute. C’est ce que disait à son fils la mère de Charlie Chaplin: « Regarde et écoute, il n’existe rien d’autre que cela. » Regarde et écoute, une autre manière de dire: lis et écris! »

    L’auteur de Tobie, tout comme le grand Chaplin, ont créé des oeuvres d’une grande sensibilité grâce à ce qui nous est à tous donné: des yeux et des oreilles…

  2. @Annie : Exemples magnifiques en effet, mais de telles images ne font leur effet que si elles sont parfaitement dosées… et c’est aussi là que réside la difficulté. Les auteurs qui sont capables d’une telle poésie en abusent souvent. Cela dit, si tu t’arrêtes pour les admirer en cours de lecture, c’est justement qu’elles doivent être parfaitement placées. 🙂

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