Quand une critique en rachète une autre!

Lureluautomne2013J’avais un autre billet de voyage de prévu, mais je ne pouvais attendre de vous parler de la critique du troisième Tome de Victor Cordi dans Lurelu! C’est la première qui sort pour ce tome, et c’est possiblement ma meilleure à vie!

Outre les « aventure trépidante », « personnages dotés d’une personnalité véritablement intéressante », « livre fortement recommandé » et autre, il y a un point tout particulier qui m’a fait plaisir! Deux critiques du tome deux avaient relevé un même défaut : ils n’aimaient pas le Grand Machiavélicon, l’une le trouvant manichéen, et l’autre unidimensionnel.  Évidemment, à la lecture de ces critiques, le tome trois était déjà écrit, et je trépignais d’impatience qu’il sorte, puisque la personnalité du méchant en question avait été dosée exprès pour permettre la révélation de sa profondeur au troisième tome (intitulé, après tout, « le secret du Machiavélicon »)!

Pari réussit, car voici ce qu’en dit Lurelu :

« D’ailleurs, il est rare, en littérature jeunesse, qu’un antagoniste ne soit pas fait seulement de carton-pâte : le Grand Machiavélicon représente un méchant dont la personnalité dépasse la vision manichéenne du bien contre le mal. On souligne donc la prise de risque de l’auteure, et on s’attache au personnage même s’il est l’ennemi du héros. »

Je me sens complètement justifiée et comprise, n’est-ce pas un sentiment merveilleux!

Bref, cette critique me donne des ailes… juste comme je dois m’attaquer aux corrections du tome 6! Ça tombe bien! À nous deux, manuscrit!

Littérature québécoise jeunesse en France

20130626_132515Je reviens d’un été complet en France, la majeure partie ayant été passée à Aix-en-Provence. J’ai, évidemment, beaucoup de choses à dire sur l’expérience que j’y ai vécue, et qui alimentera les prochains billets de blogue, mais tout d’abord, je voulais parler de la présence qu’y tient la littérature jeunesse québécoise.

Pas de chiffres, je ne suis pas une journaliste, mais simplement ce que moi j’ai vu au fil de mes pérégrinations!

Dès mon arrivée, j’ai été accueillit pas une grosse affiche annonçant la Vie compliquée de Léa Olivier (voir photo). J’ai revu le livre en question quelques jours plus tard dans un présentoir spécial « lectures ado » d’une librairie aixoise, en compagnie du journal d’Aurélie Laflamme!

Dans la toute petite librairie spécialisée jeunesse pas loin d’où j’habitais, bien en vue sur un comptoir, trônaient deux livres tout-carton de Marianne Dubuc, ici publiés par Courte-Échelle, et là-bas repris par Casterman!  (Ben oui, il y a des auteurs jeunesse québécois publiés chez Casterman! Chez Pocket aussi!)

À la FNAC, un Morgan de Corinne de Vailly traînait sur une tablette, et à la réception d’un hôtel de Loches, près de Tours, un album BD des éditions La Pastèque était proposé en lecture libre parmi une avalanche de titres Dupuis.

Pendant ce temps, une amie partageait une photo du Capitaine Static d’Alain Bergeron proposé comme coup de cœur par une librairie parisienne, Katia Canciani annonçait qu’un de ses textes avait été retenu pour le fameux magazine français J’aime Lire, et Priska Poirier rendait officielle la disponibilité de son Royaume de Lénacie en Europe pour cet automne.

Mis tous ensemble, comme ça, dans un seul billet, ça en jette, non?

 

Prière de ne pas déranger…

… je suis en vacances!

ScreenHunter_01 Aug. 11 18.47

 

Abandonné ma cage
Attiré par la plage
J’ai roulé jusqu’ici
Sous un ciel sans nuage
J’ai le coeur en voyage
J’ai envi de ma vie

Je ressassais des idées sombres
Du côté du mur à l’ombre
Tout a changé et plus rien n’est pareil
J’ai sauté du côté du so_leil

J’m’endormais dans mon coin
Je ne rêvais plus à rien
Mon chien s’mourait d’ennui
J’me trainais les pieds
En retard à l’arrivée
J’éprouvais mes amis

Depuis je n’parle plus je chante
Je ne marche plus je danse
Tout a changé et plus rien n’est pareil
J’ai sauté du côté du soleil

Un air d’été tout léger, tout léger, toutléger
Comme une fleur en plein coeur de l’hiver
M’a rendu cette envie de valser
Un air d’été tout léger, tout léger, toutléger
Comme une bouteille retrouvée dans la mer
M’a rendu le courage d’aimer
Prière de ne pas déranger
Je suis en vacances
dou dou dou dou dou dou dou dou dou dou…
J’suis bien dans ma peau
Heureux à nouveau
Prière de ne pas déranger
Je suis en vacances.

(Pierre Bertrand)

 

Quand le vilain est le héros

Osbert The AvengerDepuis quelques années, on a pu voir une nouvelle tendance tant dans les fictions adultes que jeunesse : celle de mettre le « méchant » en vedette. Du côté des adultes, on pense surtout aux séries télé avec les Sopranos, ou Dexter. Du côté jeunesse, aux films « moi moche et méchant » et à la série de livres Artémis Fowl.

La tendance est plutôt sympathique, et permet une certaine forme de défoulement, mais la question se pose : jusqu’où peut-on aller? J’ai trouvé ma limite personnelle avec le livre Osbert : the Avenger.

Décrit comme un « nouveau Roah Dahl », l’auteur Christopher William Hill y raconte les différents meurtres prémédités perpétrés par son héros de 12 ans. Évidemment, toutes les victimes sont des « pas-fin » qui abusent de leur position de professeur pour maltraiter les élèves. N’empêche qu’on ne par le pas ici du tout de défense légitime. Le jeune héros n’est pas sous le joug de ces professeurs, il planifie les meurtres avec soin et les exécutent avec grande satisfaction simplement pour se venger et venger une de ses amies. Le public cible? Les 9 ans et plus.

Je n’ai aucun problème avec la violence dans les romans jeunesse, bien au contraire, elle ajoute au sentiment de danger et permet à l’enfant d’explorer certains sentiments plus sombres. Mon problème, c’est avec sa justification! Dans Roah Dahl, le message est les adultes sont parfois cruels, ne vous laissez pas faire ». Dans William Hill, c’est plutôt « Le meurtre est une très bonne solution à certains problèmes ». Passe pour les Clown Vengeurs, mais… pour des 9 ans et plus?

Eh voilà, me voilà une vieille matante rétrograde qui chiale que les livres corrompent la jeunesse!  *Soupir* Je vais aller acheter quelques Béatrix Potter, ça me remettra d’aplomb!

 

Un style reconnaissable entre tous

Dans les dernières semaines, la découverte qu’un livre signé Robert Galbraith avait été écrit par nul autre que JK Rowling. Si la nouvelle a fait couler beaucoup d’encre sur les sujets des pseudonymes et de la publicité, un petit détail de l’aventure a plutôt retenu mon attention : une analyse de texte a permis de confirmer qu’elle avait bien écrit le livre.

J’adore l’idée que le style d’écriture d’un auteur est reconnaissable, même lorsque le genre du roman n’est pas le même, un peu comme la voix de certains chanteurs est repérable entre mille! Je ne peux m’empêcher de me demander ce que trouverait l’ordinateur de décodage dans mes propres textes. Qu’est-ce qui fait que mon écriture est mienne? Quels tics sont assez charmants pour passer à travers les mailles du filet de direction littéraire? Quels mots non-usuels se retrouvent-ils plus souvent qu’à l’habitude dans mes descriptions?

Pour le découvrir, il ne me reste plus qu’à devenir une auteure d’une telle importance qu’un universitaire se penche sur mon cas pour sa thèse! Pain sur la planche, vous pensez?

Et si la beauté résidait dans l’inutile

mary poppinsJ’ai récemment ré-écouté Marry Poppins. En analysant mes scènes préférées, soit celles à l’intérieur du tableau à la craie, j’ai dû me rendre à l’évidence : elles sont narrativement plutôt inutiles. Bon, elles servent à installer le caractère fantasque de Marry Poppins, mais pour être très honnête, les trois quarts des scènes du film ont exactement la même utilité. L’histoire n’avance donc pas vraiment. Est-ce qu’il aurait fallu les couper? Jamais de la vie! Le film aurait alors perdu une grande partie de son charme.

En narration occidentale (j’inclus ici les livres, mais également le cinéma et la télé), nous avons une obsession pour la pertinence. Si une scène ne sert à rien, elle doit être coupée. L’efficacité est de mise. Mais n’y perdons-nous pas en atmosphère?  Prenez Harry Potter en autre exemple. On y trouve plusieurs scènes de la vie quotidienne des élèves à l’école. Des cours, des jeux, du simple flânage entre les cours.  Ces scènes périphériques permettent au lecteur de sentir l’ambiance complète de l’école. S’il n’y avait que de scènes de conflit et de résolution, le livre gagnerait peut-être en efficacité et en concision, mais il perdrait une partie de sa magie.

L’autre problème de l’efficacité à tout coup, c’est qu’une personne le moindrement ferrée en récit devine d’avance les morceaux importants de l’histoire. Un personnage mentionne qu’il est champion en saut en hauteur, on sait que cette capacité sera utilisée avant la fin de l’histoire. Son ami lui donne un paquet de gomme à mâcher, même chose. La seule exception que j’ai vue à cette règle était un élastique à cheveux reçu par l’héroïne dans le film Spirited Away de Miyazaki. Elle le reçoit, et c’est tout. On ne le revoit plus du reste du film. Les Japonais n’auraient-ils pas notre obsession pour l’utile et l’efficace? Je ne suis pas assez spécialiste pour répondre (@Gen peut-être?)

Les scènes inutiles sont comme les bouquets de fleurs dans une pièce. Pourquoi ne pas fleurir un peu nos romans?

De ma haine de la cartographie

 

illustration de gnokii sur openclipart.orgDurant l’écriture du Tome 5 de Victor Cordi, je me réjouissais du fait que mon monde prenait forme de manière de plus en plus concrète. Je vous partageais même, en exclusivité, une première esquisse de la carte d’Exégor. Pourtant, mon manuscrit est parti il y a trois semaines, et la carte n’y était pas.

Pourquoi?

Parce qu’elle me limitait trop!

À chaque livre, j’invente de nouveaux lieux, village, climats et environnements. Dessiner une carte et la déclarer « complète » m’aurait obligée à tout inventer tout de suite, sans me laisser de marge de manœuvre pour les (nombreux!) tomes qui restent! Et si, j’ai besoins d’une nouvelle chaîne de montagnes? D’un fleuve de boue? D’un marais improbable? Que ferais-je?

Une carte clôture le monde, elle avertit de ce que l’on trouvera une fois passé l’horizon. Lorsque le monde est dessiné, l’auteur est menotté, l’inconnu s’éloigne!

Cette haine des cartes ne date pas d’hier! Je parle souvent, dans les écoles où je suis invitée, de ma grande déception devant la mappemonde de la terre lorsque j’étais à l’école. Cet énorme papier épinglé m’annonçait qu’il n’y aurait plus de surprise possible; que je ne serais jamais Vacso de Gama.

Bref, je garde mon horrible schéma de carte pour moi-même! Tant qu’elle n’est pas publiée, elle peut changer selon mes besoins. Ainsi, je peux m’assurer d’une certaine conformité dans les déplacements de mes personnages, sans pour autant me priver d’ajouts et d’inventions diverses.

Le meilleur des deux mondes.

Une révolution : Amazon organise et légitime la fanafiction

Tout d’abord, une petite définition :

Fanafiction : Fiction écrite par un fanatique d’une série télévisée, d’un film ou d’un livre donné, qui en reprend les personnages et l’univers, de façon à créer sa propre histoire. (granddictionnaire.com)

La fanafiction existe depuis belle lurette. Elle pousse habituellement sur les sites d’adeptes de séries télé ou romanesques, bien souvent dans les forums de discussions. Même le fameux « Fifty shades of grey » aurait été, à l’origine, une fanafiction de Twilight qui fut transformé en livre original à des fins de publications. Que les auteurs soient pour ou contre cette appropriation de leur œuvre par les lecteurs, ils n’empêcheront jamais ce style littéraire d’exister, ou du moins, pas sans passer pour des « gros pas fins » ou sans s’armer d’avocats.

Jusqu’ici, la fanafiction a toujours été en marge de l’industrie : les fanatiques n’écrivent que pour le plaisir et ni eux, ni l’auteur original ne bénéficient concrètement de ces oeuvres périphériques.  Amazon a lancé, la semaine dernière, une nouvelle application qui pourrait bien changer tout ça! L’article « Amazon Launches Kindle Worlds Store, Its Self Service Platform For Fan Fiction Authors » de readwrite en parle, mais en voici les grandes lignes pour les paresseux ou ceux qui ne lisent pas l’anglais :

quelques uns des mondes de Kindle World

Amazon s’est entendu avec quelques créateurs pour qu’ils ouvrent leurs œuvres au public. Les fans peuvent sélectionner un des mondes de ces créateurs, et écrire une fanafiction qui respecte les règles établies par l’auteur. Amazon vérifie la conformité de l’œuvre soumise, puis l’offre au public pour un prix modique. Pour chaque personne qui achète ensuite la fanafiction, Amazon, le fan, ET l’auteur, reçoivent chacun une part du gâteau! (l’éditeur originel aussi peut-être, ça doit dépendre des contrats)

Les réactions dans le milieu seront possiblement mitigées. Certains créateurs aiment garder le contrôle de leur création et feraient de l’urticaire juste à penser que des amateurs pourraient s’approprier leurs personnages. En même temps, la beauté de Kindle World est justement que l’accord de l’auteur doit avoir été donné au préalable.

Personnellement? J’embarquerais à pieds joints! Je me considère comme une bâtisseuse de monde avant tout! J’adore créer des univers, et rien ne me ferait plus plaisir que de voir des histoires surgir à gauche et à droite de manière spontannée. En fait, quand j’ai créé mon encyclopédie pour Boomerang, je rêvais de le rendre « open source », comme certains logiciels informatiques. Je rêvais de pouvoir dire à l’univers en entier de s’approprier ce monde que je créais, à condition d’y créditer mon livre (et mon nom) quelque part. Je pensais alors que l’idée était trop en avance pour l’industrie… peut-être pas tant que ça finalement!!!

Plaisirs et risques du format journal intime

Illustration de Machovka sur openclipart.orgUne des nouvelles formes avec lesquelles j’ai expérimenté lors de la rédaction du cinquième Victor est le journal intime. C’était la première fois que j’écrivais au « je », si on exclut mon propre journal d’ado tourmentée tenu durant mon secondaire deux. J’ai adoré… mais suis tombée dans le piège aussi.

Le plaisir :

Je n’ai jamais été aussi en symbiose avec un personnage. Sa voix parlait directement dans ma tête, je vivais ses émotions, J’ÉTAIS mon personnage. Ça doit être un peu la sensation des acteurs habités par leur rôle : se sortir de soi l’instant d’une scène. Très intense. Je réécrirai certainement au « je » une autre fois.

 

La difficulté :

Comme le journal est non seulement une forme écrite par le personnage, mais écrite au passé (contrairement à un roman écrit à la première personne, mais au temps présent), j’ai trouvé plus difficile de faire naître un suspense, ou encore de surprendre le lecteur. Comme si la forme demandait que la première ligne d’une entrée indique aussitôt l’état d’esprit du rédacteur du journal. On sait tout de suite si le « outcome » des événements racontés sera positif ou négatif et, à moins de coup de théâtre, on sait également qu’il n’est pas mort. Comme j’ai déjà expliqué dans un autre billet, l’absence de possibilité de mort nuit grandement au suspense.

 

Le piège :

J’ai eu tant de plaisir avec mon personnage-narrateur, que j’en ai oublié tous les autres. Le verdict du premier lecteur a été rude (mais juste) : personnages secondaires unidimensionnels. Je suis habituée à sauter d’un point de vue à l’autre et d’ainsi donner vie à tout le monde en dévoilant leurs pensées et leurs manières de voir le monde, mais en restant collé à l’esprit de l’un d’eux, j’ai négligé la personnalité des autres. Même en corrigeant le tout, j’ai trouvé difficile de leur donner de la profondeur tout en gardant le filtre du point de vue du narrateur. Par exemple, si le narrateur détestait un personnage, les phrases qui me venaient en tête sur son compte étaient toutes négatives, sans exceptions. Difficile ensuite de lui donner un peu de ton de gris. Espérons que j’ai tout de même réussi à corriger le tir… la direction littéraire nous le dira!