Tous les soirs de mon enfance, ma mère s’est installée dans le lit de mon frère pour nous faire la lecture du soir à tous les deux. Albums, grand-livre-pour-piger, bandes dessinées, tout y est passé. Elle qui se croyait peu créative, elle avait une voix différente pour chaque Schtroumpf.
Des années plus tard, elle a offert à mes propres enfants la même attention et la même énergie que celle à laquelle j’avais eu droit. Elle qui se croyait sans imagination, je l’ai surpris à maintes reprises à leur inventer des histoires impossibles pour leurs petshops ou leurs toutous.
Elle se savait sportive, avec raison. C’est elle qui m’a appris à lancer une balle de base-ball, à nager la brasse, à plonger du tremplin. Elle a montré à trois de ses petits-enfants à skier, encourageant les plus timides, et retenant les plus téméraires avec un harnais. Soixantenaire, elle n’hésitait pas à monter en ski nautique (un seul ski, oui madame), juste pour prouver qu’elle en était encore capable.
Elle se savait excellente gestionnaire, aussi. Ses employés à la Banque Nationale (jusqu’à 300 dans les dernières années) l’ont tous adoré. Elle le leur rendait bien. Ce don pour l’organisation se faisait sentir à chaque fois qu’elle recevait. Ma mère aimait les maisons pleines. Amenez-en de la visite! Petit général de 4 pieds 11, lorsqu’elle prenait les choses en mains, tout roulait au quart de tour.
Ma mère n’hésitait jamais à faire passer les autres avant elle. Généreuse à l’extrême, elle se serait fendue en quatre pour ses enfants, ses petits-enfants, son amoureux, ses amis, sa famille.
Elle était forte, courageuse, résiliente.
Elle qui se croyait sans flamboyance, elle aurait fait une parfaite héroïne de roman.
Ma mère s’est éteinte hier, à 67 ans, suite à une bataille de deux mois contre la leucémie.