Filer vs tisser

Illustration de Piotr Siedlecki prise sur Publicdomainpictures.netJe fais souvent des blagues de longueur de manuscrits avec mes amis qui écrivent pour un public un peu plus âgé. Pour moi, une longueur normale de manuscrit se trouve autour de 20 000 mots (comme mes Victor Cordi). Moins, c’est court et facile (Pétronille inc.). Plus, c’est long et difficile (Soutermonde).

Pour mon premier roman ayant dépassé les 30 000 mots, soit Le Soutermonde, je m’en suis sortie en séparant l’histoire en trois parties, chacune étant située dans un lieu différent. Ça m’a permis de traiter chacune des parties comme étant une histoire individuelle de 10 000 mots, une « bouchée » raisonnable pour moi.

Mon plus long roman, la Promesse du fleuve, est encore plus morcelé. Il est écrit comme un « road trip », avec une trame narrative différente à chaque escale, et l’évolution des personnages en fil conducteur.

Dans les deux cas, les problèmes et les péripéties se succèdent de façon linéaire. Problème, solution, problème, solution. C’est ce que j’appelle « filer », comme on le ferait pour transformer la laine cardée en un long fil.

Pour Les Abysses (prévu pour l’automne) j’ai réussi, pour la première fois, à bâtir une grande intrigue à plusieurs trames s’étalant sur 30 000 mots. Un seul lieu, aucune coupure nette, mais plusieurs fils qui se croisent et s’entrecroisent pour finalement aboutir au climax. C’est ce que j’appelle « Tisser ».

L’auteur Jim Butcher est un champion de cette technique. Son héros, Harry Dresden, est toujours aux prises avec trois à cinq problèmes à la fois. Il court comme une fort divertissante poule sans tête d’une catastrophe à l’autre jusqu’à ce que tout soir réglé (habituellement en apothéose dans les deux derniers chapitres).

Je me suis fait la même réflexion avec Cloud Cuckoo Land de Anthony Doerr (paru en français cet automne sous le nom « La cité des nuages et des oiseaux »). C’est un livre grandiose. « un chef-d’œuvre » clame même le petit bandeau rouge de l’édition Albin Michel. Ce roman choral alterne entre des personnages de 4 époques différentes. Et si j’ai adoré cette lecture, je ne crois pas que l’histoire de chaque personnage, prise séparément, soit si extraordinaire. L’alternance fait toute la différence.

Je travaillais cette semaine sur le plan du deuxième tome des Abysses. J’avais fait une première ébauche, dont je n’étais pas tout satisfaite. Soudain, je me suis mis à intercaler les scènes de la première partie de ma trame narrative avec celles de la deuxième partie… et la magie s’est opérée!

J’attaque donc cette semaine l’écriture de ce nouveau manuscrit avec enthousiasme, sachant que la somme des scènes dépassera la valeur de chacune prise séparément.

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